ome du « Puppy Maudit »
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Le syndrome du « Puppy Maudit »
Posted on 29/08/2016 by Marjorie
Ah les chiots… le bonheur d’accueillir une petite boule de poil, ce petit être adorable qui porte en lui toute la symbolique des bonheurs futurs. Il n’y a rien de plus chouette, dans la vie d’un cynophile, que de préparer l’arrivée du futur compagnon de vie, d’imaginer l’adulte parfait qu’il deviendra à coup sûr, toutes les petites joies et grands succès, qu’on le rêve partenaire de sport (un futur champion à n’en pas douter !), ou simple confident du quotidien, si fidèle qu’il jetterait aux oubliettes Lassie et Rintintin réunis.
C’est vrai, accueillir un chiot, c’est un moment plein de joie et de promesses. Mais derrière cette façade idéale, se cache des périodes parfois difficiles, voire douloureuses lorsqu’on y est pas préparé… le syndrome du Puppy Maudit !
De quoi s’agit-il… ?!
Derrière le syndrome du Puppy Maudit se cache en fait la conjonction de 2 biais d’appréciation, qui altèrent notre jugement : le biais affectif, et le biais négatif.
Pour faire simple (voire simpliste), le biais affectif nous fait juger les situations uniquement en fonction de notre affectivité (logique, non ?). C’est un grand classique du propriétaire de chien, et quasi incontournable chez le propriétaire de chiot débutant. Il faut dire qu’il est parfois difficile, devant nos boules de poil « si mignonnes » et que « nous aimons tant », de rester objectif…
D’un autre côté le biais négatif met en exergue le côté négatif des situations, jusqu’à ce qu’on ne voit plus que lui. C’est aussi un grand classique du cynophile, qui focalisera sur la « désobéissance » ou sur le raté de la journée. Vous êtes déçus parce que votre chien a fait une faute sur un obstacle en concours d’agility ? Que faites-vous des 20 autres obstacles qu’il a réussi parfaitement ?!
Bref.
Voyons un peu comment tout cela peut tourner, lorsque qu’un chiot débarque là-dedans…
Il était une fois, un Puppy Chéri…
Quelques jours ou quelques semaines après son arrivée dans son nouveau et chaleureux foyer, Petit Puppy, l’adorable Petit Puppy, s’est remis du choc atomique qu’a représenté pour lui ce nouveau départ.
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Choc atomique ?! Et oui, on l’oublie trop souvent, ce moment de joie pour la famille adoptante est un véritable cataclysme pour la boule de poil, qui perd en une seule journée tout ce qu’il avait toujours connu. Sa fratrie, sa mère, son éleveur, sa maison, ses habitudes… Et même pour un chiot bien préparé à ce moment (et ils le sont rarement), l’adoption qui nous rend si heureux n’est pas forcément aussi heureuse si on se place un instant de l’autre côté de la laisse. Mais nous en parlerons une autre fois…
Petit Puppy, donc, a posé les valises dans sa nouvelle maison et a trouvé ses marques dans cette nouvelle vie, pour le plus grand bonheur de ses maitres. Puppy est pour eux l’évènement de l’année, le centre d’intérêt du moment, la chose la plus adorable, attendrissante, mignonne, trognote, choupinette, qu’ils aient vu depuis longtemps. Normal, c’est un chiot !
Puppy est « trop beau ». Un futur champion de beauté, ma main à couper ! Et vu comme il apprend le « assis » rapidement, il est également doué d’une intelligence extraordinaire. Ce sera sans doute un champion de sport ou de travail aussi.
Lassie peut déjà aller se rhabiller…
Puppy grandit, s’épanouit, se développe en stature et en confiance. Et Puppy se découvre des talents insoupçonnés. Creuser, aboyer, mordiller, chouiner, voler, s’exciter, sauter sur ses maitres… pour n’en citer que quelques-uns. Normal, c’est un chiot !
Mais c’est votre premier chiot. Puppy the First. Vous étiez prévenus, formés, renseignés, vous n’êtes donc pas totalement surpris. Vous vous étiez préparés psychologiquement à ce que cela arrive. Vous aviez tout prévu en conséquence, le parc, le kennel, les jouets à mâchouiller plutôt que vos chaussures.
Mais voilà… certains comportements touchent plus que d’autres, et cela, on ne le cite pas dans les livres. Mâchouiller un barreau de chaise ou voler deux rouleaux de papier-toilette, vous pouvez gérer. C’est usant (et parfois terriblement éprouvant) de voir la petite tornade poilue découvrir tous les jours de nouvelles bêtises, mais on arrive à faire contre mauvaise fortune bon cœur, et rire des facéties de la nouvelle recrue (tant qu’elles ne le mettent pas en danger).
Mais fuguer, vous tirer les bas de pantalons avec vigueur, grogner, vous lacérer le bras avec ses griffes en vous sautant dessus… Ou simplement ne plus tourner la tête à vos appels… Ces comportements affectent plus profondément le propriétaire insouciant qu’on ne veut bien l’admettre. Ça fait mal, et pas qu’au sens propre du terme.
Certaines « désobéissances » entament l’image d’Epinal du futur Chien Parfait, et la projection du partenariat à venir. Et la relation que vous rêviez si merveilleuse et fusionnelle avec Petit Puppy, en prend un sacré coup.
Vous voulez un exemple ?
Du rappel heureux au rappel foireux
Petit Puppy, si proche de vous, qui quittait à peine vos jambes et revenait à la moindre sollicitation, daigne maintenant à peine tourner la tête, vous toise de loin, avant de décider de partir tout simplement… à l’opposé ! Vous avez beau le supplier, hausser la voix, essayer de négocier avec une croquette, rien n’y fait. Le message de Puppy est clair : dorénavant, vous valez moins qu’une crotte de lapin !
Au fur et à mesure que les rappels ratés s’enchainent, votre voix se met à trahir votre détresse, votre frustration, et un beau jour même votre colère.
Et la situation va en s’empirant…
Vous tombez la laisse avec un peu plus d’appréhension à chaque fois (quand vous osez la tomber). Le rappel, et le contrôle qu’il est censé assurer, est devenu votre obsession. Du coup, vous avez à peine détaché Puppy, que vous le rappelez 25 fois. Les promenades deviennent une longue litanie de « Puppy !! Puuuuppy ?! PUPPY ! Puppy vient ! VIENT PUPPY !! Puppy au pied. J’ai dit AU PIIIIIED !! Qu’est-ce que j’ai dit ?! TU VIENS !!! Oh, regarde, une croquette !! ».
Mais Puppy ne revient plus du tout, il part même de plus en plus loin. Les promenades deviennent une source de stress permanent, pour vous bien sûr, mais aussi (avouons-le) pour ce pauvre Puppy qui en a plein les pattes, et profite dorénavant de la moindre occasion pour prendre le large.
Bref. Il vous semble que Puppy, ce cher Puppy, « ne vous aime plus »… Et ne nous voilons pas la face. Cela devient difficile de continuer « à l’aimer autant qu’avant », ce sale fugueur.
Exit Lassie, Rintintin et consorts. « Je n’en peux plus, ce chiot me rend dingue. Mais pourquoi il fait ça ? ». Le coup de canif dans le contrat est douloureux.
Et croyez-moi, je l’ai connu… Je me souviens très bien de cette amère leçon, apprise de mon premier chien. Il m’avait laissé les bras ballants, ma croquette encore dans la main, la laisse dans l’autre, me fuyant en galopant dans les feuilles, dans le doux bruissement des illusions qui se brisent. Difficile, après ça, de rester dans d’aussi bons termes…
Vous n’avez jamais eu de soucis de rappel avec votre premier chiot ? Attendez, je suis sûre que je peux trouver un autre exemple…
Quand Puppy va plus loin que la simple blessure d’amour propre
Petit Puppy, adoubé Chevalier de l’Espièglerie, a découvert qu’il était très amusant d’attraper vos bas de pantalons lorsque vous marchez. Cela est d’autant plus drôle à ses yeux, que s’il touche par mégarde vos mollets, vous vous tortillez en piaillant, rendant les bas de pantalons encore plus intéressants. Agacés, vous essayez de repousser le polisson d’une main ferme et d’une voix convaincue. Mais Puppy est très excité ce jour-là. Il se retourne sur votre main, avec ses petites dents de chiot acérées.
Vous retirez rapidement votre main, stupéfaits de ce qui vient de se passer. Vous auriez crié, si cela ne vous avait pas laissé sans voix.
Et comme Puppy retourne aussitôt à vos mollets, la situation se reproduit.
Vous repoussez l’assaillant comme vous pouvez, avec un peu moins d’assurance toutefois. Paradoxalement, lui montre sacrément plus de confiance lorsqu’il attrape, cette fois fermement, votre main.
Et cette fois, il vous fait mal.
Puppy semble s’en amuser, et s’excite d’autant plus. Il saute autour de vous en faisant mine d’attaquer vos mollets, pendant que vous restez, tétanisés, en tenant votre main endolorie. La douleur fait place à l’incompréhension.
Le soir, alors que Puppy dort comme l’adorable chiot qu’il était jusqu’alors à vos yeux, vous cogitez. « Qu’est-ce que j‘ai raté dans l’éducation de ce chiot ? Qu’est ce qui lui a pris ? Est-ce qu’il ne n’aime plus ? Dans tous les cas, il faut absolument que je règle ça rapidement ! ».
Vous vérifiez dans vos bouquins, vous êtes pourtant « ok » question technique. C’est votre premier chiot, mais pas votre premier chien. Vous avez à votre actif plusieurs adoptions réussies. Vous allez vous en sortir ! Enfin vous essayez de vous en convaincre, car l’expérience du jour raisonne encore bien étrangement en vous…
Et le lendemain, Puppy récidive. Et cela devient votre obsession : « Est-ce qu’il pourrait mordre une fois adulte ? »
Le surlendemain, et les jours suivants, Puppy s’est encore plus renforcé dans son horrible comportement…
L’incompréhension fait alors place à la peur. Vous vous mettez à craindre le contact avec les dents de votre chiot, puis avec le chiot lui-même.
Encore une fois, le constat est amère : « Puppy n’est pas pour moi. Je ne m’en sors pas ». Puppy, ce cher Puppy, l’ex-superstar en puissance, est devenu à vos yeux « Puppy le mordeur »… Et soyons honnêtes : cela devient difficile de « l’aimer autant qu’avant »…
Comme par une étrange coïncidence, Puppy s’excitera de plus en plus, et fera de plus en plus mal avec ses dents.
De Puppy Chéri à Puppy Maudit
Et c’est ainsi que Petit Puppy, qui portait tous les espoirs de la famille, devient Puppy Maudit. Pour le maitre, c’est bien plus qu’un simple constat d’échec (temporaire). C’est une déception profonde, un séisme, une véritable trahison ! A tel point qu’il n’aime plus autant son chiot, ou en tout cas plus de la même façon.
Et pourtant… Au départ, il ne s’agit là que de broutilles ! Deux rappels loupés et trois coups de crocs dans un pantalon : des grands classiques, quasiment des passages obligés, d’une désespérante banalité, au même titre que l’accidentel pipi dans la cuisine. Les maitres plus expérimentés y prêtent à peine attention. Alors pourquoi est-ce que cela devient aussi disproportionné ?
Parce que le comportement de Puppy, même s’il est tout simplement celui d’un chiot normal, aura touché un point sensible : votre affectivité. Et si vous n’y êtes pas préparés, vous verrez dans chacun de ces comportements un désamour de sa part, un manque de confiance, de respect ou d’attachement. Si jamais en plus ce comportement n’arrive qu’avec vous, et pas avec les autres membres de la famille, alors là cela tient carrément du message personnel ! Et oui, c’est ridicule à avouer, mais cela fait mal.
Vous auriez su prendre le recul nécessaire si cela n’avait pas été votre chien, votre boule de poil, vos espoirs, vos projets. Mais quand le biais affectif s’en mêle, les choses ont tendance à prendre bien trop d’importance.
Un biais en entrainant un autre, de toutes les interactions que vous aurez eu avec votre chiot, celles qui finiront par vous marquer le plus, seront celles qui vous auront déçus ou blessés. La petite désobéissance, le moindre comportement inadapté, aura vite fait de devenir une obsession. Le voilà, ce satané biais négatif !
Il prendra de l’ampleur. Rapidement tout aura tendance à être vu par ce filtre. Et Puppy, par la même occasion, comme la personnification de votre déception.
Les effets indésirables
Cette situation ne serait pas grave en soit, si elle n’avait pas un effet secondaire sur le comportement de Puppy. Pour une raison qui nous échappe (en tout cas sur le moment !), la façon dont nous percevons notre chiot a un impact significatif. Notre propre ressenti, nos émotions, ont un effet sur le comportement de Puppy : plus on est inquiet de ne pas pouvoir le rappeler dans les bois, et moins il revient. Plus on a peur de se faire croquer les mimines, et plus il a tendance à vouloir le faire.
En tout objectivité, et d’expérience, cela joue un rôle non négligeable sur l’apprentissage des « bons » et « mauvais » comportements, au-delà de la simple maitrise des techniques d’apprentissage.
En fait, ce n’est pas étrange du tout. Déjà parce que, d’un point de vue très concret, nos émotions modèlent nos réactions, l’intonation de notre voix, notre façon de bouger, c’est-à-dire autant de signaux auxquels Puppy est tout à fait sensible. Ensuite, parce qu’il perçoit directement, comme tous les animaux, nos émotions. Elles sont communicatives. Si vous êtes dans le doute, Puppy le sera aussi. Et si vous ne croyez pas vous-même à ce que vous faites, ne pensez pas que vous pourrez faire illusion.
De l’objectivité, de la patience et un chouïa de technique
Si vous vous êtes retrouvés dans le syndrome du Puppy Maudit, alors « Bienvenue dans la famille !! ». Nous sommes nombreux, très nombreux, à être passés par là. Même si personne ne s’en vante, ou qu’on se dépêche d’oublier cette mauvaise passe….
Et si vous êtes en plein dedans… alors je vous souhaite du courage et vous invite à réfléchir aux pistes suivantes :
Rangez votre affectivité et votre égo au placard (en gros, prenez un peu de recul !)
Ne focalisez pas trop sur les plantages (l’objectivité est votre meilleure alliée)
Et surtout… Laissez Lassie et Rintintin à leur juste place : …
…dans la bibliothèque, au rayon fiction !